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SAVOIR GERER SES PEURS*


 

 

Chacun connaît ce trouble qu’est la peur qui agite en nous tant de craintes et de doutes : peur de ne pas pouvoir faire face, peur des autres, peur de l’avenir, peur de ne pas être « à la hauteur », peur de se tromper, d’échouer, d’abandonner, d’être abandonné, de vieillir, de mourir, peur du noir, du rejet et toutes les autres peurs qui nous empêchent de vivre paisiblement.

Si la peur a pour fonction de nous avertir d’un danger et de nous doper d’une poussée d’adrénaline suffisante pour nous faire réagir, dans certaines situations, elle est capable de nous oppresser, voire même de nous paralyser. Elle devient alors la chape de plomb qui nous étouffe ; elle est même susceptible d’évoluer en attaques de panique, de se muer en terreurs ou de déclencher de véritables phobies. Si la peur a sa raison d’être, elle ne doit pas, pour autant, devenir trop invalidante.

Le cerveau et la peur

 

Au xixe siècle, Sigmund Freud révélait qu’il existait en nous deux entités distinctes : l’une, consciente, dotée d’une mémoire assez peu précise, l’autre, inconsciente pourvue d’une mémoire infaillible acceptant sans raisonner toutes les suggestions et enregistrant à notre insu les moindres événements et faits de notre existence.

Au xxe siècle, Antonio Damasio*, neurochirurgien, met en évidence l’existence de deux cerveaux. D’un côté, le cerveau cognitif, rationnel, tourné vers le monde extérieur, de l’autre, un cerveau émotionnel, inconscient, totalement connecté au corps. Pour Damasio, notre vie psychique s’articule autour d’un équilibre à trouver entre le fonctionnement de ces deux cerveaux. L’amygdale, au cœur du cerveau émotionnel semble être à l’origine de toutes les réactions qui maintiennent notre survie, notamment lors d’un danger. Située dans la partie frontale du lobe temporal, elle regroupe plusieurs circuits d’alarme et joue un rôle essentiel dans le décodage de nos émotions, principalement dans le mécanisme de la peur. L’amygdale est également en étroite connexion avec l’hippocampe où sont stockés des souvenirs. Ainsi, une peur peut être déclenchée par le seul souvenir d’une frayeur passée, ou par tout contexte associé à un événement vécu comme traumatisant.

« Chaque fois que j’entends le mot “agression”, mon corps se met à trembler et je panique complètement » dit Clara victime d’une agression en pleine rue. La seule évocation d’un souvenir douloureux est susceptible de revenir à la surface de façon très nette même de nombreuses années plus tard. Le corps lui aussi peut se figer et garder l’empreinte de la peur. Les événements douloureux laissent des traces dans notre cerveau et ces cicatrices ne s’effacent pas facilement.

Le cortex frontal, ou cerveau cognitif est impliqué dans le mécanisme d’extinction des peurs conditionnées, ses connexions permettent d’exercer un contrôle conscient sur l’anxiété. Ainsi, notre cerveau utilise deux forces, l’une reliée à la volonté issue du néocortex ou conscient, l’autre à l’imagination, issue du cerveau profond ou inconscient.

Ces découvertes confirment le bienfait des méthodes de visualisation, de suggestion et de pensées utilisées en sophrologie pour calmer l’anxiété. Le mental peut ainsi apaiser ou créer l’anxiété en fonction du scénario imaginé. La suggestion, l’imagination, la relaxation et la visualisation permettent précisément la régulation entre nos deux cerveaux. Émile Coué, dans sa méthode avait, déjà en 1910, appliqué avec succès ce principe de la suggestion et de l’imagination pour soigner ses malades. Il était convaincu que dans le cadre de l’auto-suggestion consciente chacun pouvait contribuer à vivre en meilleure intelligence avec soi-même pour créer des conditions d’harmonie les plus favorables. David Servan-Schreiber, dans son ouvrage** argumente lui aussi que l’état de bien-être auquel nous aspirons tous s’établit grâce à la coopération entre le cerveau émotionnel qui donne l’énergie et la direction et le cerveau cognitif qui organise l’exécution.

Les origines de la peur

 

La peur est, depuis l’aube des temps, au cœur de l’homme. Les coutumes et traditions sont remplies de rites visant à conjurer l’angoisse. Danses sacrées, sacrifices, recours aux divins, aux sorciers, aux exorcistes et à leurs pratiques magiques attestent de l’intensité des peurs primitives.

Sigmund Freud, en évoquant la « mémoire « phylogénétique » allègue que la peur serait la survivance de notre instinct animal face au danger. Pour la plupart des psychanalystes, les origines de la peur seraient liées au processus d’attachement et de séparation, donc aux premiers liens. À défaut de stimuli réconfortants (carences, séparations ou traumatismes divers), l’enfant n’osera pas s’aventurer dans le monde et risquera de développer angoisses, peurs et inhibitions face à la vie.

Un surcroît de protection empêche aussi d’acquérir ses propres mécanismes de défense. Pour grandir, un enfant a besoin de se confronter à la peur, aussi a t-elle sa raison d’être tant dans les contes racontés aux enfants que dans les jeux. Elle possède une fonction d’éveil et de renforcement de l’identité. L’enfant lui-même en grandissant aime à éprouver de petites peurs qui se révèlent utiles. C’est en y faisant face qu’il apprend à les surmonter et qu’il installe les bases de son assurance. Un manque de sécurité intérieure se traduit, dans la vie d’adulte, par une plus grande vulnérabilité, un état d’anxiété face à certaines situations. Tout ce qui est nouveau, inconnu, devient source de stress et de peur. Dans ce contexte, nous rechercherons le plus souvent avec notre entourage, nos proches, une relation fusionnelle, dans une quête d’amour, en demande de cette sécurité manquante, avec en filigrane, toujours la peur qui enferme l’autre dans une relation aliénante.

Les réactions face au danger…

 

« Je roulais tranquillement quand soudain un conducteur, en état d’ébriété, s’est jeté sur ma voiture. Pour l’éviter, après avoir donné un violent coup de volant et freiné, je me suis retrouvée sur le bas-côté. Dans l’instant, je n’ai pas eu peur, mais en sortant, j’étais dans un état d’hébétude complet. Depuis, il m’est impossible de reprendre le volant » narre Andrée.

Face à une telle situation, le cerveau émotionnel qui a décelé la menace, se concentre sur ce qui semble essentiel à sa survie et focalise toute l’attention, jusqu’à ce que le danger soit passé. En situation d’urgence, sous l’effet d’un stress important, le cerveau cognitif lui, perd toute sa capacité à nous guider. Ce sont nos réflexes instinctifs qui prennent les rênes. En fait, nous réagissons sans qu’aucune pensée ne se soit développée, le cerveau étant totalement accaparé par l’action. Ce n’est qu’ensuite que pensées et images se bousculent, la conscience de la peur nous envahit a posteriori et les symptômes physiologiques apparaissent.

Que le danger soit réel ou imaginaire, les réponses physiologiques sont identiques (respiration coupée, palpitations, tremblements…). Des chercheurs américains ont tenté de comprendre ce phénomène de peur par anticipation; La technique d’imagerie par résonance magnétique (IRM), a permis d’observer qu’en situation de « danger par anticipation » certaines zones spécifiques, notamment le cortex insulaire et la partie gauche de l’amygdale s’activent, alors que dans le cas de « peur réelle », c’est la partie droite de cette région qui est activée. Ils ajoutent que dans tous les cas « les mécanismes neuronaux régissant les réactions de peur à travers les espèces animales sont similaires chez les humains mais d’une manière plus abstraite ».

Quand la peur devient pathologique

 

Notre cerveau connaît notre histoire, notre vécu, nos expériences. C’est lui qui structure nos pensées et déclenche nos émotions. Ce qui nous fait peur, c’est la représentation que nous nous faisons des choses. Nos peurs sont la pure production de notre propre esprit et de notre imagination.

À la simple vue d’une souris, ma mère s’évanouissait. « Pour moi, c’est pareil, mon cœur s’emballe, bat à tout rompre, j’ai même l’impression qu’il s’arrête. Je ne peux plus rien faire. Il n’est pas question de transmettre cet héritage à ma fille ! » Confie Adèle. Le conditionnement, bien que fréquent, n’est pas systématique et n’a pas la même répercussion chez chacun. Certains ont connu de semblables expériences lorsqu’ils étaient enfants et les ont refoulées dans l’inconscient ; d’autres, un jour, à l’occasion d’un incident, les exhument soudainement.

Le cerveau émotionnel ne désapprend pas aisément la peur, aussi les événements traumatiques du passé sont-ils prêts à se réactiver à défaut d’exercer une vigilance. Ainsi, une image, une odeur, une sensation physique ayant un lien avec l’événement traumatique peut suffire à déclencher la totalité du souvenir douloureux de façon plus ou moins violente. Tout se passe comme si le cerveau cognitif, celui de la raison, n’arrivait plus à établir de contact avec le cerveau émotionnel atteint par le traumatisme.Lorsque les fonctions cognitives sont défaillantes, elles se révèlent incapables de fournir une réponse adéquate.

La peur met en jeu le système nerveux sympathique qui pousse à agir. Cette fonction adaptive a pour but d’alerter et de mettre en éveil afin de trouver une solution à une problématique. Si cette peur se répète trop souvent ou perdure, les hormones du stress produites essentiellement par les glandes surrénales épuisent le corps, nos pensées se bousculent, nous en perdons le contrôle et nous devenons de plus en plus vulnérables avec le risque de déclencher une peur chronique.

Une peur chronique est caractérisée par une anxiété généralisée, ou une phobie qui est une peur spécifique (araignées, rongeurs, ascenseurs, etc.) ou même devenir un trouble obsessionnel compulsif (comme la peur de la maladie ou de la foule) qui entraîne la personne dans des rituels obsessionnels pour éviter d’enter en contact avec l’objet de sa peur. Si l’évitement, caractéristique principale de la phobie, est le moyen de se soustraire à une situation anxiogène, il n’est pas sans conséquences et ne garantit pas une vie plus aisée. L’énergie psychique dépensée est considérable et peut être responsable de toutes sortes de comportements irrationnels.

Des peurs excessives peuvent générer des symptômes physiologiques comme par exemple l’impression de ne plus pouvoir respirer. La respiration étant vitale, le cerveau interprète cela comme un danger de mort imminent. Ainsi naissent les crises de panique qui sont vécues dans une indicible souffrance, le cerveau ayant donné une information de danger de mort.

Se libérer des peurs

 

La peur est associée à un état de tension et à une respiration accélérée. La relaxation musculaire est associée à un rythme respiratoire ralenti. Lorsque la respiration est lente et le corps détendu, il est difficile de ressentir la peur. Le corps et l’esprit fonctionnent de façon interdépendante, la relaxation musculaire favorise la détente mentale et vice-versa. De même, lorsque nous sommes absorbés par une activité, nous ne percevons pas la peur. Si nous libérons l’esprit de cette action qui monopolisait notre attention, elle risque de resurgir. Ce sont donc bien les pensées qui sont responsables de nos peurs, pensées qui s’élaborent à partir de la mémoire, or la mémoire concerne le passé. Ainsi, pour agir efficacement sur la peur faut-il diriger sa pensée vers des images ou sensations positives.

Exercez-vous à visualiser par exemple un paysage que vous affectionnez particulièrement, explorez-le dans ses moindres recoins. Le cerveau ne peut gérer qu’une tâche à la fois, si nous nourrissons notre esprit d’harmonie, nous le préservons de l’intrusion des pensées négatives.

Entraînez votre cerveau à un nouveau programme, exercez-vous de manière à ancrer d’autres images, souvenirs et sensations agréables et placez toute votre confiance et votre force dans la création de ce nouveau « logiciel ». Branchez-vous sur des souvenirs heureux, des images, vibrations et perceptions plaisantes.

Sachant que les tensions physiques correspondent la plupart du temps à des tensions psychiques, la relaxation, la sophrologie l'hypnose, la programmation-neuro-linguistique (PNL), la stimulation du cerveau gauche /droit, les thérapies comportementales et cognitives (TCC) ont une efficacité certaine et augmentent la résistance aux situations anxiogènes. Elles aident à maîtriser la peur et à contrer les pensées négatives qui caractérisent l’anxiété.

La thérapie EMDR pour les peurs en lien avec un traumatisme

 

L'EMDR c'est-à-dire désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.mise au point à la fin des années1980, agit, elle, au niveau du traumatisme. C’est une approche psychothérapeutique, découverte aux USA en 1987 par Francine SHAPIRO***. Elle peut se définir comme une « désensibilisation et un retraitement par les mouvements oculaires ».

L’EMDR s'est surtout fait connaître pour le traitement des personnes ayant subi de graves traumatismes, en état de stress post-traumatique (ESPT). Depuis 2004, elle est reconnue par l' INSERM comme une méthode efficace et rapide pour agir sur le syndrome du stress post-traumatique, l'une des pathologies les plus difficiles à soigner.

La thérapie EMDR part du principe que tous les souvenirs dans le cerveau sont connectés les uns aux autres. Un souvenir traumatique qui se manifeste dans le présent (par des pensées négatives, des émotions inappropriées, des sensations physiques désagréables) est connecté aux souvenirs et aux expériences du passé. Ces connexions ne sont pas nécessairement conscientes.

Il est donc possible d’accéder, au cours du traitement, à des souvenirs du passé qui sont principalement représentés par des sensations physiques du corps.

Grâce au processus neurologique mis en marche, cette approche stimule le cerveau pour qu'il «métabolise» ou «digère» les chocs et blessures du passé. Ainsi, les souvenirs traumatisants perdraient leur charge affective négative, ce qui mettrait fin à la souffrance et aux réactions néfastes (crises de panique, peurs incontrôlées, anxiété, compensations de toutes sortes, etc.).

Les peurs sont appréhendées en rétablissant un juste équilibre entre raison et émotions jusqu’à ce que l’expérience d’un vécu positif permette d’installer la confiance. Ainsi, grâce à cette abréaction, l’expérimentation de nouveaux ressentis entraîne des changements positifs de comportement face à la vie.

Toutes ces méthodes ont pour objectif d’acquérir de nouvelles compétences et de nouveaux comportements. À chacun de choisir le moyen qui lui convient pour mieux vivre sa vie.



* Chef du département de neurologie au Collège de médecine de l'Université de l'Iowa.

** Guérir , éd. Robert Laffont, Réponses, 2003.

*** Des yeux pour guérir, EMDR : la thérapie pour surmonter l'angoisse, le stress et les traumatismes, Ed. Couleur Psy, Seuil


*Par Michèle Freud, psychothérapeute, directrice de Michèle Freud Formations
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