OSER DÉPASSER SA TIMIDITÉ* |
Transpiration excessive, gorge serrée, estomac noué, rougeurs diffuses, autant de symptômes que les timides expérimentent au quotidien.
Le Petit Robert définit la timidité comme une gêne, une gaucherie se traduisant par un manque d'aisance et d'assurance. Être timide, c'est avoir peur des autres, en particulier des personnes qui, pour une raison ou pour une autre, représentent une menace émotionnelle.
Près de 80 % des timides révèlent leur aversion à prendre la parole en public, d'autres éludent toute rencontre ou restent figés dans l'immobilisme, incapables d'une quelconque initiative. Il y a aussi ceux dont l'anxiété est telle qu'elle leur fait perdre tous leurs moyens. Lorsqu'elle atteint son paroxysme, elle peut même générer de véritables crises d'angoisse. L'anxiété qui accompagne la timidité est aussi susceptible d'interférer avec l'attention et ainsi, d'altérer la mémoire lorsque la situation devient trop anxiogène.
Certains psychologues pensent que la timidité serait une composante dont nous héritons, comme l'intelligence par exemple. D'autres évoquent plutôt un défaut d'aptitudes sociales nécessaires à l'établissement de rapports satisfaisants avec autrui. Ces aptitudes englobent la compréhension et l'acquisition de comportements précis en société permettant l'intégration au groupe.
Les psychanalystes expliquent que la timidité ne serait qu'une manifestation consciente de conflits inconscients réprimés.
Pour S. Freud, ces troubles psychologiques seraient le résultat d'un désaccord entre le ça, le moi et le surmoi, les trois aspects fondamentaux de la personnalité. Le ça se réfère au côté instinctif, pulsionnel, passionné de la nature humaine, le moi perçoit la réalité, apprend ce que l'on peut faire et contrôle les actes ; le surmoi est la voix d'une conscience sévère, le gardien de la moralité, des idéaux et des tabous sociaux.La tâche du moi consiste à maintenir l'équilibre entre les désirs du ça et ceux du surmoi. Quand le moi fonctionne bien, il s'arrange pour que ses actes soient de nature à satisfaire les besoins du ça, sans violer pour autant les règles morales ou les codes sociaux du surmoi. Cette négociation est souvent délicate.
La timidité serait donc une réaction aux désirs primaires insatisfaits du ça.
La timidité trouve généralement ses racines dans l'enfance : des parents surprotecteurs, ou encore une éducation trop stricte ou trop autoritaire, un traumatisme, une séparation vécue sur le mode de l'abandon, ou encore l’isolement, le manque de liens avec de nouvelles personnes, etc.
Certains établissent un lien avec une problématique liée au processus de séparation : défaut de maternage, séparation prématurée, figure d’attachement ne remplissant pas sa fonction protectrice, ou au contraire, se révèle être trop étouffante, intrusive. Les carences ou traumatismes qui en résultent sont susceptibles de se traduire, entre autres, par une timidité excessive.
La timidité se réveille plus particulièrement à certains stades du développement de l'enfant. Celui-ci y est confronté entre 6 mois et un an, notamment au cours de la période appelée l'angoisse du 8e mois, celle où le bébé ressent de la peur face à tout ce qui est étranger à son environnement quotidien. Cette étape correspond à la prise de conscience progressive de son identité distincte des personnes qui lui sont familières.
Il est aussi habituel de voir apparaître des phases de timidité entre trois et six ans, lorsque l'enfant est tiraillé entre son désir de relation privilégiée avec ses parents et l'envie de plaire et de séduire d'autres personnes, avec la crainte que ces désirs nouveaux ne lui fassent perdre l'amour maternel.
L'adolescence, elle aussi, est un moment propice d'expression de la timidité : celle-ci venant exacerber l'ambivalence des sentiments, et les désirs de séduction et de pouvoir.
De nombreux travaux ont démontré que l'ordre d'apparition d'un enfant dans la famille (rang de naissance) influait également. Les parents, souvent très anxieux ou trop attentifs à l'égard de la santé et de l'avenir de leur aîné, entretiennent en général un degré d'exigence élevé. Avec le temps et l'expérience, ils sont plus flexibles avec les suivants, le cadet est décrit comme nettement moins timide que l'aîné. Pour réussir, cet aîné travaille avec acharnement car il se persuade que l'amour des adultes dépend de ses performances et qu'il lui appartient de prouver ses mérites et sa valeur personnelle. Avec une telle pression et de telles croyances, il risque de développer un sentiment d'infériorité et une mauvaise estime de soi.
Ces diverses interprétations sont susceptibles de nous éclairer dans la compréhension du problème, mais il n'existe pas de réponse unique ; il s'agit en réalité de la conjonction de plusieurs facteurs. Nos conduites portent l'empreinte de nos gènes, de notre histoire familiale, d'une acquisition à travers l'apprentissage d'un certain mode de réponses mais aussi de notre culture favorisant l'individualisme (en privilégiant la valeur de la personne), et d'une société qui valorise la performance et la prise de responsabilité.
Le timide est marqué par l'inhibition dans un grand nombre de situations sociales. Il redoute en particulier les « premières fois » : il lui arrive d’éluder cette première rencontre en y renonçant définitivement, préférant la sécurité de l'isolement, au risque de se voir exposé ou rejeté.
On décrit le timide comme discret, distant ou réservé. Il peut apparaître farouche ou effacé en raison de son manque d'assurance. En réalité, il est torturé par un sentiment constant d'insécurité. La plupart du temps, il choisira de fuir l'objet de sa terreur, se privant ainsi de la chaleur des contacts humains qui lui donneraient confiance.
« Au restaurant d'entreprise, je m'arrange toujours pour me mettre seul à une table. Si quelqu'un m'aborde, je fais mine de me plonger dans la lecture de mon journal en prenant un air sombre »
confie ce cadre hyper timide, qui avoue envier bavardages, rires et conversations de son entourage. Certains en effet dressent de véritables remparts pour éviter d'être approchés.
Parmi les grands timides, citons de nombreux écrivains, scientifiques, créateurs et chercheurs. C'est en solitaire, à l'abri des regards, dans leur monde intérieur et dans leur univers mental qu'ils se sentent à leur aise.
Puisqu'il s'agit d'un comportement appris, il peut être désappris comme n'importe quelle mauvaise habitude ou n'importe quelle phobie particulière. Dites-vous que ce sont nos comportements qu'il y a lieu de changer et non notre entourage. Bien sûr, tout n'est pas toujours aussi simple. Il nous faut quelquefois, avant de modifier nos comportements, trouver la cause de notre timidité et apprendre à faire face aux situations anxiogènes pour pouvoir les affronter avec plus de sérénité.
De nombreuses solutions existent pour acquérir ou retrouver sa force intérieure. Vaincre la timidité consiste à agir :
- au niveau des situations déclenchantes, en s'y exposant progressivement,
- au niveau de ses comportements, en travaillant l'affirmation de soi,
- au niveau des émotions, en apprenant à se relaxer et à maîtriser son émotivité,
- au niveau des pensées, en agissant sur les pensées automatiques négatives.
Exposez-vous progressivement à des situations nouvelles. Pensez à vous récompenser après chaque épreuve surmontée, chaque action réussie, offrez-vous un petit cadeau : un livre, un bouquet de fleurs, etc.
Participez à des activités collectives : sports, loisirs, réunions, bénévolat, randonnées, etc. C'est le premier pas qui coûte. Inscrivez-vous à des cours de théâtre, lancez-vous sur scène ; se mettre dans la peau d'un autre contribue très souvent à vaincre son appréhension et à donner confiance.
Changez vos pensées limitantes. Le timide entretient un discours intérieur fait de pensées verbales ou d'images mentales négatives, il visualise le pire et fabrique des scénarios catastrophe. À la place, songez à des pensées aidantes, et dites-vous que vous êtes capable d’y arriver !
Pratiquez les arts martiaux, le yoga, la relaxation, la sophrologie, ils développent la conscience du souffle, la détente et la maîtrise de soi. Certaines personnes décrivent comment, grâce à ces techniques, elles ont réussi à maîtriser leurs émotions et à faire les premiers pas en s'inscrivant par exemple dans un club de sport, de danse ou de gym, à un cours de chant ou de théâtre.
« Le commencement de tout, c'est le courage » dit Vladimir Jankélévitch, (dans La volonté de vouloir), ce qui prime avant tout c'est le courage d'entreprendre. Ce courage s'applique particulièrement à celui de se motiver et de croire à l'utilité de son action.
Alors, osez, simplement !
*Par Michèle Freud, psychothérapeute, directrice de Michèle Freud Formations
Voir ses ouvrages.
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