LA DEPENDANCE :
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Les origines de la dépendance prennent forme dès les premières années de notre vie, avant même l'apprentissage de la marche et sont en lien direct avec les relations tissées avec nos parents et nos proches.
C'est en constatant qu'il peut s'aventurer seul qu'un enfant gagne son autonomie. S'il est soutenu et encouragé dans son envol, il puise alors la confiance nécessaire pour consentir à s'éloigner des siens et à s'en détacher.
L'autonomie se développe en réalité en deux temps : le premier temps réside dans l'acquisition de bases solides propres à installer notre système de sécurité intérieure, le second consiste à s'éloigner de cette assise pour «voler de ses propres ailes. » Si l'une de ces deux étapes est déficiente, le processus d'autonomie risque d'être entravé.
Le schéma de la dépendance est repérable aussi bien parmi les enfants surprotégés que chez ceux manquant d'affection. Néanmoins, la dépendance résulte le plus souvent d'un excès de protection : à l'instar de ces parents trop envahissants qui investissent l'espace psychique de leur progéniture et le maintiennent dans des comportements où ils étouffent toute tentative d'autonomie. Intervenant dans la vie intime de l'enfant, dans ses loisirs, ses activités quotidiennes, ils l'empêchent d'agir par lui-même, éludant ainsi toute possibilité d'accession à une quelconque indépendance. Ils donnent de l'amour mais nient le soutien et la liberté nécessaires au développement de l'autonomie. Plus tard, leur enfant hésitera à se fier à son propre jugement. Indécis, il aura besoin de l'approbation des autres pour exister, le doute est d'ailleurs au cour de la dépendance.
Bertrand, en thérapie, relate : «Enfant et même adolescent, chaque fois que je tentais une quelconque initiative, ma mère me déclarait : Laisse-moi faire, tu n'y arriveras pas tout seul Aujourd'hui, face à toute difficulté, j'abdique. Je n'ai jamais réussi à conserver un emploi plus d'un an, j'ai raté ma vie affective aussi. En y réfléchissant, j'ai le sentiment que la prédiction de ma mère, bien ancrée dans mon inconscient, m'a probablement empêché de me réaliser pleinement. »
Certains parents, à l'inverse, négligent leur progéniture. Dès leur plus jeune âge, leurs enfants sont livrés à eux-mêmes et, de ce fait, forcés à une autogestion prématurée. Ils donnent l'illusion d'être autonomes alors qu'en réalité, ils sont très dépendants.
D'autres parents agressent verbalement ou physiquement leurs enfants Ceux-ci apprennent très vite qu'il est dangereux de formuler une demande. Se sentant menacés, ils répriment toute forme d'expression ou d'émotions.
Nombreuses sont les personnes dépendantes à relater une enfance heureuse jusqu'à ce qu'elles se voient contraintes de quitter le foyer familial. Devant l'angoisse de cette séparation, elles ressentent alors une grande solitude et trouvent dans toutes sortes d'addictions le réconfort nécessaire pour affronter la vie.
Lorsque la dépendance est inhérente à la négligence et au manque d'attention de parents eux-mêmes vulnérables, assaillis de soucis ou englués dans une problématique non réglée, l'enfant se sentira constamment inquiet et cherchera une position de dépendance, imaginant y trouver une réelle sécurité. Le sempiternel manque risque de se faire ressentir dans l'ensemble de ses relations. Il acceptera toutes les situations, toutes les humiliations, épousant des rôles dans lesquels il se moulera en fonction des attentes de l'autre, niant ainsi sa propre existence. La peur du rejet et de l'abandon est au cour de cette problématique.
Le père d'Annie est décédé lorsqu'elle avait 10 ans. Sa mère, anxieuse et déprimée, demandait à sa fille d'être « une mère pour deux. » Annie devint forte, obèse même. Manquant totalement d'assurance, elle se gavait de sucre pour tenter de renforcer sa résistance. A 40 ans, elle entame une thérapie afin de perdre du poids et prend conscience, au fil des séances, que son souhait le plus cher serait de pouvoir se libérer de sa mère. « Pour le moment, j'en suis incapable car je me sens trop responsable de sa vie » avoue-t-elle.
Les personnalités dépendantes étouffent leur vie intérieure et cherchent à disparaître dans l'autre, à se confondre jusqu'à effacer les frontières déjà vacillantes de leur moi, perdant tout contact avec leurs désirs et niant toute envie. N'osant pas solliciter d'attention, elles restent dans une éternelle attente, ignorant la plupart du temps leurs besoins réels, faute d'avoir pu nouer une relation authentique basée sur la parole.
Le couple et la dépendance
Dans la dépendance affective, la relation devient très vite étouffante, voire aliénante surtout si l'on cherche à se fondre dans le désir de l'autre, à épouser sa personnalité, de peur d'être abandonné. « L'autre » sert à combler toutes les carences et à étancher une soif d'absolu et d'idéalisation. Son regard devient indispensable pour confirmer sa propre existence. « On finit par ne plus reconnaître sa propre valeur, on cesse d'être soi-même, au point de tout accepter » relate Christine.
Pouvoir se promener dans son jardin secret, se confronter au silence, à la solitude et à soi pour apprendre à être avec l'autre est une nécessité vitale. Or, la dépendance interdit précisément toute intimité avec soi- même.
Certains adultes sont incapables de se prodiguer des soins de base comme se nourrir sainement, se soucier de leur santé, se faire plaisir ou se reposer lorsque le besoin s'en fait sentir. Lorsqu'on est maintenu dans un processus de survie, on n'est nullement préoccupé par sa croissance personnelle ou son plaisir.
« L'expérience la plus pénible pour moi, exprime Paola lors d'un séminaire sur la dépendance, a été de reconnaître que j'avais des besoins qu'il me fallait satisfaire par moi-même. Il m'incombait donc me prendre en charge, de m'assumer, me faire confiance, et ça, je ne l'avais pas appris ! »
A force de désavouer ses propres exigences, on finit par s'abstenir d'être soi. Se couper par exemple de ses sensations corporelles entraîne une rupture avec sa propre réalité intérieure et ses affects. Nous utilisons souvent ce mécanisme de défense pour nous protéger de toute intrusion de la souffrance. Se libérer de la dépendance c'est savoir démonter ses propres mécanismes de défense, identifier ses croyances erronées et modifier certains comportements pour se relier à la vie.
Pour s'engager sur la voie de la libération, un travail thérapeutique est souvent nécessaire pour identifier le symptôme, dénouer les conflits et reconstruire de nouveaux rapports basés sur le respect de soi et des autres.
C'est à ce prix qu'il sera possible de combler ses vrais désirs, troquer la peur et la fuite contre la confiance, restaurer un sentiment de sécurité intérieure afin d'acquérir une vraie autonomie.
Le « pouvoir d'être » se fonde en effet sur notre capacité à vivre une vie intérieure plus riche et plus intense.
Bibliographie :
Vaincre la dépendance Mélody Pia Ed. J'ai lu
Se libérer des dépendances , Frédérique de Gravelaine et Pascale Senk Ed. Marabout
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