Cabinet de
Michèle FREUD

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Ces émotions qui nous gouvernent*


 

 

Une émotion est une réponse physiologique à une stimulation. Sa fonction est de produire une réaction spécifique à une situation précise. Elle se manifeste en trois temps et dure à peine quelques minutes : charge, tension et décharge. Dans le mouvement de tension, le corps est entièrement mobilisé ; dans la phase de décharge, il se libère de cette énergie et retrouve, après l'extériorisation, son équilibre initial. Si cette tension n'est pas liquidée, elle risque de verrouiller tout le système émotionnel et de s'inscrire dans le corps. Tant qu'on n'exprime pas ses émotions, elles n'ont, pour se manifester, d'autre issue que le langage de la maladie.Les douleurs physiques sont souvent liées à des souffrances affectives. Lorsque le corps s'exprime par des symptômes, on ne les associe pas forcément à ces émotions enclavées. La première étape pour s'en libérer consiste à apprendre à reconnaître ses affects (son état émotionnel), à identifier la cause de ses tourments. Cela suppose de les laisser émerger, de mettre les bons mots sur les maux afin qu'ils perdent leur intensité.

 

Chaque émotion a son utilité

Nous disposons de quatre émotions de base : la joie, la peur, la tristesse et la colère.

La joie est source de motivation, de vie, c'est un moteur.

La peur signale un danger qui nécessite la mise en place d'une protection ou d'une nouvelle stratégie d'adaptation.

La tristesse marque une étape, une période de vie. Elle est la réaction adéquate chaque fois qu'il faut tourner une page, faire un deuil. Mais, si elle interdite dans la famille d'un enfant, elle risque de le figer, à l'âge adulte, dans la réprobation ou le déni.

La colère sert à défendre son territoire, ses valeurs, à trouver et à instaurer des limites. Elle est l'émotion la plus réprimée, la plus pernicieuse aussi. Lorsqu'elle n'a pu s'extérioriser, la colère reste confinée dans notre mémoire, tapie dans les profondeurs de notre inconscient. Sous l'emprise de cette émotion refoulée, nous réagissons à une situation assez banale par une colère disproportionnée, au point d'en perdre tout discernement, toute objectivité. Un mot, une attitude d'un interlocuteur est susceptible de déclencher un déferlement d'émotions, celles précisément que nous avons emmurées durant des années. Certains parents, eux-mêmes coupés de leur propre colère, ne tolèrent aucune manifestation intempestive chez leurs enfants. Or dire sa colère, c'est l'extérioriser, c'est se libérer d'un refoulement affectif.

 

D'autres émotions influencent nos comportements...

La honte est l'émotion la plus négative de toutes, car elle bloque l'estime de soi. Pour éviter de l'affronter, on masque la vérité, on se coupe de sa souffrance et on se cache sa vraie nature, optant pour le déni. La honte peut aussi être liée à un secret de famille se perpétuant de génération en génération ; elle constitue un fardeau souvent pesant qui bloque certaines émotions.

L'anxiété fait également partie des émotions de chacun. C'est une réaction émotionnelle face à une situation donnée, mais elle est susceptible de devenir irrationnelle et de se traduire par une peur par anticipation du pire, par de l'irritabilité, de la nervosité ou une inquiétude chronique face aux problèmes réels ou aux événements. À chaque étape de la vie ou lors de changements profonds, il est normal d'éprouver une certaine anxiété. Il suffit de l'admettre, de la reconnaître et de la nommer pour éviter qu'elle n'altère totalement le fonctionnement psychique et ne devienne pathologique.

L'enfant, du fait de son immaturité psychique, a tendance à s'adapter à son environnement. Dans un milieu rigide, il sentira qu'il est dangereux d'affirmer sa réalité, il se pliera aux exigences de son entourage, reniant ainsi sa propre identité. Les enfants élevés dans l'amour « sous condition » déploient beaucoup d'énergie afin d'obtenir l'attention et l'assentiment de leurs proches. Ils apprennent à jouer un rôle, à travestir leur vérité : c'est ainsi qu'ils développent ce fameux « faux self », c'est-à-dire une personnalité caméléon derrière laquelle pointe le désir de plaire et d'être aimé. Adultes, ces mêmes enfants éprouvent des difficultés à formuler de vraies demandes et risquent de traverser leur vie émotionnellement anesthésiés ou perturbés, constamment sur la défensive, perdant tout contact avec eux-mêmes.

 

Hommes-femmes : un ressenti différent

Les femmes ont généralement une plus grande facilité à traduire ce qu'elles ressentent par la parole. Les hommes, eux, ont, pour la plupart, été éduqués à réprimer leurs affects, leurs émotions, à se montrer forts, à savoir encaisser sans perdre la face. « Sois un homme, mon fils, ne pleure pas ! » dit cette mère. Drapés dans une invincibilité qu'ils estiment virile, ils ne sont pas moins émotifs que les femmes, mais ils ont pris l'habitude de masquer la réalité. Ils font des colères lorsqu'ils sont anxieux, se réfugient dans le silence lorsque gronde l'orage, éclatent de rire pour éviter de pleurer, « narcotisent », c'est-à-dire fument, boivent, mangent ou regardent la télévision au lieu de ressentir, d'où d'innombrables malentendus. Toutes ces attitudes constituent en réalité une façon de se protéger d'une certaine vulnérabilité.

Lorsqu'on a appris à geler ses émotions, les libérer paraît insurmontable. Loin d'être insensibles, les hommes éprouvent autant de souffrance que les femmes en cas de rupture, d'abandon, de rejet. Mais, piégés par l'image qu'ils se sont forgée, certains redoutent le débordement de leurs émois et se contrôlent, à tel point que cette retenue se traduit parfois par une hypertension, un ulcère, un surpoids, un problème cardiaque ou tout autre symptôme criant. Un homme n'est pas souvent à l'aise avec ses larmes, car on ne lui a pas appris à s'exprimer par les pleurs. Ce qui importe vraiment, c'est qu'il puisse reconnaître sa peine, l'accepter et trouver un moyen de liquider son émotion pour éviter qu'elle n'éclate avec trop de virulence.

Certains vivent dans une sorte d'engourdissement de leurs affects et ne sont pas toujours conscients de la force des émotions qu'ils étouffent. Une telle répression les isole totalement de leurs propres sentiments. Il leur faudra beaucoup d'énergie pour s'en affranchir et apprendre à exprimer leurs émotions qu'elles qu'elles soient.

 

Les émotions et le couple

« Les hommes courent après l'autonomie, les femmes rêvent d'intimité ! » écrit John Gray. Une manière de signifier combien, dans les relations à deux, chacun exprime différemment ses émotions. Cette différence rend compte des difficultés à établir une vraie communication au sein du couple. Trop de retenue est nuisible à toute intimité ; sans échanges et sans partage émotionnel, la survie du couple devient pénible, elle est source de conflits et de ressentiment, la morosité s'installe, le monde de l'autre est impénétrable. On finit par se sentir étranger et on mesure soudain l'amplitude de cette « solitude à deux ».

L'intimité nécessite une authentique complicité. Celle-ci peut être affective, intellectuelle, spirituelle ou physique. D'anciennes blessures d'amour empêchent parfois de s'abandonner à aimer et on fuit toute proximité de peur de souffrir à nouveau, mettant alors en place différentes stratégies pour éviter d'exprimer ce que l'on ressent vraiment. Pourtant, chacun rêve de fusion, aimerait connaître cet absolu bien-être que procure la délicieuse sensation de vibrer au même diapason.

 

Du bon usage des émotions

Nos émotions révèlent un message, un besoin à satisfaire ou un événement à vivre. Elles sont un levier, un déclencheur, elles donnent un sentiment de réalité à l'instant présent. Faisant partie de notre force fondamentale, elles remplissent deux fonctions importantes dans notre vie psychique :
- elles exercent un contrôle sur nos besoins de base en nous signalant tout manque, perte ou état d'assouvissement. Sans cette énergie émotionnelle, nous ne serions pas conscients de nos besoins fondamentaux ;
- elles nous fournissent l'énergie du mouvement, celle indispensable à l'action, celle aussi qui nous pousse à satisfaire nos besoins.

La colère est une émotion qui donne une force, qui engage à lutter, à exprimer quelque chose.

La tristesse est une énergie libératrice, mais, comme elle est douloureuse, nous avons tendance à l'éviter. Or s'empêcher d'éprouver de la tristesse, c'est figer sa souffrance à l'intérieur de soi. En thérapie, on admet que le chagrin est un grand guérisseur.

La peur libère une énergie qui avertit qu'un danger compromet la satisfaction de besoins fondamentaux. Elle conduit sur la voie du discernement, de la sagesse.

L'angoisse peut être paralysante, mais aussi créatrice. Il n'y a pas de créativité sans passage par ce temps de solitude et de destruction qui est la source même de l'angoisse.

La joie est cette énergie vivante qui monte en nous quand nos besoins sont comblés. Nous ressentons alors l'envie de chanter, de courir, de sauter... La force de la joie nous révèle que tout va bien.

Savoir identifier une émotion et en faire son alliée redonne une certaine authenticité pour vivre sa vie avec plus de confiance et d'assurance, tant dans sa dimension sociale que personnelle. La joie, la tendresse induisent un état de détente, de relaxation corporelle, une attitude d'ouverture. La colère, la peur, l'agressivité créent un état de tension. Libérées, ces émotions deviennent une énergie, un outil de changement. Redécouvrir ses émotions est un apprentissage vers la sincérité, la spontanéité et l'empathie.

Dans un environnement qui accueille favorablement l'expression des affects, on peut guérir des fractures du passé et s'autoriser à vivre. En osant s'ouvrir à ses émotions, en s'accordant le temps de les accueillir et de les ressentir, on leur donne vie, on leur permet de jaillir et d'être vraiment avec l'émotion.

Lorsqu'on s'autorise à éprouver ses émotions, on n'a plus à se montrer fort, on le devient réellement de l'intérieur.

*Par Michèle Freud, psychothérapeute,
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