DECODER LES MESSAGES DU CORPS*Mon corps n'en fait qu'à sa tête
Marcel Achard |
"J'en ai plein le dos ! » assène Muriel qui, croulant sous une charge intense de responsabilités, se plaint d'un mal de dos récurrent.
Mal au foie, migraine, vertiges, eczéma, boule dans la gorge ou nausées avant un entretien ou un rendez-vous capital, troubles du colon que l'on nomme colopathie fonctionnelle, nombreux sont les maux somatiques dont nous souffrons pour la plupart d'entre nous. Quelquefois, nous avons l'impression de porter un tel poids qu'il nous est impossible de le formuler autrement qu'en courbant l'échine.
Un corps souffrant est souvent porteur d'un message. Quand nous réprimons notre colère, notre corps réagira par exemple par un lumbago, quand nous sommes anxieux, angoissés et qu'il nous est impossible de verbaliser notre peur, celle-ci s'exprimera par une allergie, des vomissements, des palpitations ou par tout autre message. Lorsque nos émotions nous bousculent, il nous arrive de perdre notre self-contrôle et notre corps réagira jusqu'à la maladie.
Un simple trac peut agir sur le physique. La peau, cette enveloppe corporelle, jonction entre « le dedans et le dehors » est le lieu privilégié de l'expression émotionnelle.
« Quand ça ne passe pas par la bouche, il faut bien que ça passe ailleurs ! » écrit Groddeck(1), contemporain de Freud, considéré comme le père de la médecine psychosomatique et auteur attentif du langage du corps vécu. Pour lui, nos organes parlent, une douleur abdominale serait une manifestation somatique d'une question restée sans réponse. Ce qui est tu, réprimé s'exprimera à même le corps chargé de supporter tous ces silences. Parfois, ce corps prend l'allure d'une véritable prison; il impose de telles souffrances et se fait l'écho par ses manifestations sonores à l'insatisfaction profonde dont nous ne sommes pas toujours conscients. Lorsque le désir fondamental est brimé, l'individu tombe malade. Tout déséquilibre psychologique retentit sur le système endocrinien et végétatif.
En Chine, on considère l'être comme une unité fonctionnelle reliée au cosmos. La santé découle de l'équilibre entre deux polarités : le Ying et le Yang. La pensée orientale (tibétaine, chinoise ou indienne) propose un modèle dynamique et énergétique du corps et le rééquilibrage énergétique s'effectue essentiellement par l'apprentissage de la respiration. Dès leur plus jeune âge, à l'école, les enfants apprennent à se mouvoir harmonieusement.
Sonia est une employée modèle. Toujours à la tâche, elle est la dernière à quitter son bureau et ne sait pas dire non. Accablée par un surcroît de tâches à exécuter, elle est hospitalisée d'urgence pour un syndrome d'épuisement. « Au moins, ils ne pourront rien me dire puisque je suis à l'hôpital, enfin, je vais pouvoir me reposer » dit-elle.
La maladie doit-elle être obligatoirement le prix à payer pour obtenir le droit de souffler ?
Carl Simonton(2) explique que la maladie implique souffrance et angoisse, mais elle résout aussi bien des problèmes dans la vie des gens. Elle agit comme un « faciliteur », un donneur de permission, en permettant des comportements qu'on ne s'autoriserait pas normalement. La maladie lève la censure et suspend un certains nombres d'attitudes. Tomber malade devient alors le seul moyen acceptable pour nous décharger du poids de certaines responsabilités afin de s'occuper de soi sans culpabilité.
La maladie peut offrir l'occasion d'une remise en question, voire même d'une transformation positive. Pour sonder notre corps, il nous faut apprendre à ouvrir les canaux de communication, entre notre conscience et notre corps. En prenant davantage soin de notre corps, nous apprendrons à reconnaître les signes de tensions, de fatigue et à y remédier.
Prendre conscience de son corps c'est s'octroyer régulièrement un rendez-vous avec soi, à travers simplement une petite pause plaisir pour se détendre.
Lorsqu'on amène une personne à prendre contact avec son corps en thérapie, elle parvient peu à peu à comprendre pourquoi elle contracte son ventre, d'où cette respiration bloquée qui l'étouffe et provoque des palpitations, pourquoi elle serre les dents avec, pour conséquence, une mâchoire verrouillée qui génère tensions et douleurs chroniques. Certains se construisent une véritable armure pour éviter de ressentir la colère ou tout autre trouble. Du fait de cette cuirasse, ils n'ont pas accès à leur émotionnel. « Je me contrôle en permanence pour ne rien ressentir, j'ai peur de ce qui peut sortir ! » confie Christine. Plus le corps est rigide, moins il a de sensations, plus il est brimé, plus il aura tendance à s'exprimer.
Voici un exemple d'écoute du corps :
Lorsqu'une douleur se manifeste, imposez-vous le calme. Détendez tous vos muscles et posez-vous les questions suivantes : « Que signifie ma douleur ? Qu'a t-elle à me dire ? » Laissez émerger les réponses, elles ne viendront pas spontanément. Soyez à l'écoute de votre être, comme si chaque parcelle de votre corps et de votre esprit s'efforçait d'entendre quelque chose. En vous mettant ainsi à l'écoute de vous-même et en comprenant ce que vous ressentez, vous progressez également dans la communication avec votre entourage. Pour cela, il vous faut d'abord être en lien profond et en accord avec vous-mêmes.
L'intimité avec soi-même exige que nous vivions cette harmonie intérieure. Prendre soin de soi permet d'entretenir une meilleure relation avec les autres.
Ecouter son corps, c'est entrer en contact avec lui, c'est en être conscient, l'habiter, c'est se fier à son intuition et se faire confiance. C'est prendre le temps d'écouter nos sentiments et d'essayer d'y répondre par une action appropriée. Se centrer sur l'écoute permet de réduire toutes les tensions psychiques et physiques, d'accueillir les différents messages, d'identifier nos besoins réels et d'y répondre en redéfinissant par exemple nos limites, nos priorités et en repensant nos choix.
Apprenons par exemple, à travers nos 5 sens, à découvrir de nouvelles sources de plaisirs. Pour éviter de se laisser habiter par un déferlement de pensées parasites, habituons-nous par exemple dans la journée à être vigilant à un état intérieur, simplement percevoir la présence attentive de son souffle, avec la sensation agréable de bénéficier d'un peu de temps pour être avec soi, attentif aux mouvements que l'on effectue ou encore prendre le temps de savourer un met en mangeant dans la pleine conscience ce que ce qu'on déguste. Attentif à soi, mais aussi à son environnement : regarder autour de soi, écouter le tic tac d'une pendule, communiquer avec la nature, quel que soit notre environnement, être présent à la musique, à ses vibrations, autant de techniques simples à la portée de chacun.
(1) Le livre du ça, 1923, Ed.Gallimard
(2) Guérir envers et contre tout, Ed.Desclée de Brower
*Par Michèle Freud, psychothérapeute
Vous avez aimé cette chronique,
partagez-la sur Facebook