C'est incontestablement, pour la grande majorité d'entre elles, une période de vulnérabilité sur le plan psychologique, où elles ressentent une certaine fragilité face à leur féminité menacée.
Celles qui occupent des fonctions valorisant l'image ne se donnent pas le droit de vieillir, celles qui vivent sous la pression d'une compétition sociale où l'apparence est primordiale, n'ont de cesse de vouloir rester jeunes à tout prix et en font un vrai combat.
D'autres acceptent cette étape de vie en misant sur la sagesse, une plus grande conscience de soi, de leur bien être, l'expérience et la finesse d'esprit, secrets de l'éternelle jeunesse
« Moi je remercie les ans car mon âge me donne maintenant une certaine légitimité » dit Martine, psychologue. Il est vrai qu'une certaine maturité dans ce métier confère plus de crédibilité.
Occupés pendant des années sur tous les fronts, face à cette urgence à vivre où le temps est compté, elles prennent conscience pour la plupart qu'il est enfin temps d'avoir cette disponibilité pour soi-même, elles mettent alors toute leur énergie à la dégustation de la vie, dans tous ses sens.
Elles ressentent, pour la plupart, une inquiétude face à ce nouveau cap et réalisent les désagréments de la ménopause aidant, que le vieillissement est en marche.
C'est le temps des bilans, le cortège des deuils et des effondrements, avec, chaque jour, de nouveaux constats, c'est le temps des regrets où elles songent avec nostalgie à toutes ces belles années passées.
C'est aussi le temps des interrogations : Seules, elles doivent faire face à la solitude avec beaucoup de temps pour soi, quelquefois trop et cela devient douloureux. ! Ai-je fait le bon choix en restant seule ? Faut-il continuer à cheminer en solo sur cette route encore longue ?
En couple, il faut apprendre à co-habiter à deux sur un mode différent puisque l'on se retrouve en permanence ensemble, trouver les moyens de respirer pour éviter l'inéluctable érosion. Il faut être prêt aux compromis. Souvent, les conflits éclatent pour des petits riens et l'ambiance devient vite délétère. Certaines, dans cette revendication d'épanouissement personnel réalisent qu'elles ont passé leur vie à s'oublier. Alors confrontées au désert de toute une vie, elles n'hésitent pas à tout envoyer balader : « Quitter l'homme que je n'aime plus pour la vérité que je me dois à moi-même », vivre le meilleur et non la médiocrité ! » Dit cette patiente.
Certaines vivent difficilement leur effondrement narcissique : « Quand j'avais 20 ans, les hommes me regardaient et je les ignorais, aujourd'hui à 59 ans, je quête anxieusement leurs regards, ils me sont nécessaires, j'ai besoin de savoir si ma silhouette attire encore un regard masculin » dit Angéla.
Comme Angéla, beaucoup évoquent le manque ou le désir d'un regard aimant. Aussi, dans un dernier sursaut, essaient-elles de savoir, dans l'urgence, à travers des réseaux de rencontre, via Internet, si elles peuvent encore séduire.
Pour la plupart, libérées des obligations et contraintes, elles ont davantage de temps pour mener à bien leurs désirs, elles s'abandonnent à de nouvelles passions, leur attitude est plus réfléchie, plus lucide, elles choisissent de vivre « en pleine conscience », dans une nouvelle de culture du plaisir.
Elles ont une grande soif de nouvelles sensations, de sources d'émotions différentes et une conscience de la richesse de chaque instant, Elles évoquent une plus grande cohérence avec soi, « Être enfin fidèle à soi-même, juste envie de réaliser ce que je ne me suis pas autorisée avant : aller où je veux, quand je veux !»
Elles deviennent expertes en exploratrice de vie et de dégustation de ce temps pour soi. Beaucoup d'entre elles se mettent à voyager, à vivre vraiment !
Certaines partent découvrir le monde de l'intériorité, celui de la conquête de soi : Elles parlent de conscience de soi, elles acceptent de lâcher prise, sans pour autant renoncer. C'est aussi nouveau style de vie qui se situerait du côté de la bienveillance, de l'attention à soi, me confiait récemment une patiente :« C'est une nouvelle tranche de vie où je suis capable de savoir ce qui est bon pour moi, entendre quels sont mes désirs et mes besoins réels et surtout m'autoriser à y répondre. »
Certaines en couple ou seules, trouvent leur bonheur en s'impliquant davantage dans leur vie familiale, en cultivant l'art d'être une aïeule aimante, d'autres inventent de nouveaux lieux de transcendance en s'investissant dans des projets créatifs, en se découvrant de nouveaux passe-temps, une nouvelle spiritualité peut-être, où elles apprennent à porter sur le monde, sur la vie et sur la leur, un regard différent.
Tous ces centres d'intérêts nourrissent l'intériorité psychique et écartent les risques d'effondrement de soi liés à la contrainte de l'âge.
On apprend avec l'âge que l'image est soluble, alors on invente une autre façon de vivre. Certaines disent que le paraître a soudain moins d'importance, elles préfèrent parler de bien être, en découvrant une autre liberté.
Même si le corps n'est plus tout à fait « aux normes », faut-il pour autant se priver de continuer à l'entretenir ? à le mouvoir ?Lorsqu'on parvient à être plus proche de son corps et à lui prodiguer les soins nécessaires, curieusement, on porte un autre regard sur sa silhouette, son enveloppe. On dépend moins du regard des autres, . « Être enfin fidèle à moi-même sans artifice, quel luxe ! » dit cette quinqua.
Il est prouvé que les personnes qui adoptent une attitude positive face à cette étape de développement, la traversent de façon plus sereine avec une motivation accrue pour toutes les choses de la vie.
Pourquoi attendre que le corps se flétrisse pour commencer à l'aimer ?
Certaines personnes découvrent même, à cet âge, qu'elles ont un corps dans lequel il est possible d'habiter harmonieusement, vivre, bouger et vibrer.
Le corps retrouve une certaine harmonie, et le visage aussi, car le changement vient d'elles-mêmes
Paroles de patientes :
« Mon corps n'est plus mon ennemi, je sais que je vais vieillir avec lui alors j'ai décidé d'en faire mon compagnon de route
J'accueille ce nouveau corps transformé, j'ai décidé de l'aimer, de l'adopter, de porter sur lui un regard bienveillant
À 20 ans je détestais mon image, aujourd'hui, je ne me regarde plus de la même façon, je me trouve « acceptable »
Aujourd'hui, j'ai fait la paix avec mon corps, je suis devenue plus indulgente, et cela m'a permis d'accepter ce temps qui passe contre lequel je ne peux rien et je découvre d'autres sensations
Devant la glace, je me regarde et j'ai décidé de ne plus haïr mon corps. »
Cette réelle conscience de soi confère une nouvelle présence à soi-même. C'est une vertu qui défie le temps, elle permet de puiser en soi toutes les formes de réassurance pour continuer à enrichir sa vie, nourrir sa curiosité et développer de nouvelles expériences, une sorte «d'accord paisible avec soi-même » ainsi que l'évoquait Spinoza.
On peut continuer à aimer, et à être aimée, le regard d'amour défie le temps, il vaut toutes les cures de jouvence. Certaines évoquent leur sexualité qui se modifie dans une continuité dynamique, le plaisir du couple se mue en un désir de partager, d'être ensemble, dans une tendresse et une complicité réciproques, pas forcément au travers d'un rapport sexuel.
D'autres enfin disponibles l'un pour l'autre, découvrent le plaisir d'une nouvelle sensualité, dans un système d'échange différent et vivent cette étape dans un plein épanouissement. Il y a des couples qui vivent d'ailleurs cette étape comme une seconde lune de miel.
Le bien-être est un état d'esprit mais aussi une affaire de sensations. Même si nous n'avons pas appris à nous faire du bien, nous pouvons amorcer en douceur un processus de changement
Redécouvrir un temps plus lent, dicté par le désir de vivre pleinement le moment présent, goûter à l'infini les petits bonheurs de la vie, réapprendre à voir le monde, à renaître à ses sens, ses couleurs ses sons, c'est apprendre à savourer la solide nourriture de la vie et cela confère une beauté, un rayonnement et un magnétisme qui dépassent largement les critères d'image et ce, quel que soit l'âge.
Pour favoriser cette rencontre avec soi et se sentir en relation vivante avec son corps
Quelques pistes :
. Soyez plus attentif à votre manière de vivre. C'est la vigilance que l'on accorde à chaque action, la façon d'y être, qui est importante, elle permet cette « présence à soi-même ».
. Adoptez un rythme de vie moins effréné. Veillez à ne pas devenir un bourreau de travail pour lutter contre la fuite du temps et accordez davantage de temps à vos loisirs, au plaisir, à des activités distrayantes.
. Prévoyez régulièrement dans votre emploi du temps des pauses et apprécier l'instant présent - une pause silence, une pause thé, une pause pour simplement regarder autour de vous. ouvrir les yeux, regarder le soleil ou le ciel étoilé, écouter une musique, être présent à ses vibrations, laisser nos sens revenir à la vie, à la réalité. Ce temps pour soi est un moment où l'on se pose, on écoute, on soigne son corps et son âme
. Habituez-vous par exemple dans la journée à vous octroyer quelques minutes pour offrir à votre corps et à votre mental un moment salvateur et vous libérer de vos tensions.
. Continuez à bouger votre corps, à la dorloter, et à vous nourrir sainement
C'est à travers de simples gestes ou attitudes qu'il nous appartient d'exercer une plus grande vigilance pour mieux habiter votre corps, renouer avec le plaisir et retrouver la joie de savourer, en toute simplicité, la solide nourriture de la vie.
Bien vieillir, c'est accepter de vivre chaque moment dans la simplicité, c'est aussi sublimer son quotidien, avec la capacité de se remémorer ses multiples expériences positives et se souvenir combien la vie nous a donné, même si les choses ne sont plus, nous en avons bien profité.
Entretien avec Flavia Mazelin, Psychologies Magazine,