Que la nature nous ait bien pourvu n’y change rien : le regard que nous portons sur nous manque cruellement d’indulgence. Il faut reconnaître que la société dans laquelle nous vivons ne nous facilite pas la tâche : le culte de l’apparence ou de la performance nous fait basculer vers cette insatisfaction corporelle permanente. Certains se voient avec des travers démesurés par rapport à la réalité. Il s’agit de « dysmorphophobie », cette fixation négative sur des défauts imaginaires qu’évoque Jean Tignol, psychiatre, dans son livre Les Défauts physiques imaginaires. Une chercheuse américaine, Kristin Neff, constate d’ailleurs que notre regard est bien plus tendre sur les autres que sur soi. Elle y voit des raisons principalement culturelles, dans une société où l’indulgence et la compassion sont considérées comme des faiblesses et l’autocritique comme la seule façon d’avancer dans la vie.
L’idéal serait de tourner vers soi ce regard bienveillant que nous posons sur ceux qui nous entourent. Adopter un regard plus juste, cela s’apprend, nous assure la sophrologue Michèle Freud. Tout comme apprivoiser son visage et son corps… et tenir enfin un discours positif sur soi.
Se réapproprier son visage« Je ne me reconnais plus dans la glace. Mon visage est différent de ce que je suis, il n’est plus “moi” »
Plus que l’apparition des rides, ce qui nous est difficile à vivre, c’est ce décalage qui s’installe entre l’image que nous donnons à voir et qui apparaît dans le miroir, et notre image intérieure. Notre visage semble ne plus refléter ce que nous sommes. Essayons de le faire rayonner autrement.
- Le sourire lissant. Installez-vous confortablement sur une chaise et respirez calmement, tout en vous concentrant sur votre visage. Inspirez par le nez, serrez les mâchoires, expirez et desserrez-les. Puis inspirez par la bouche en mimant le son « O », expirez et détendez tout votre visage. Inspirez ensuite en mimant le son « I » avec les lèvres. Expirez. Votre visage se détend encore davantage. Relâchez bien les mâchoires. Bougez doucement celle du bas vers la droite et vers la gauche. Les lèvres s’entrouvrent, se ferment, sans résistance, la langue trouve sa place, souple et déliée… Les lèvres sont détendues, et vous esquissez un léger sourire.
- La clarté intérieure. Songez à présent à tout votre visage, touchez-le avec vos mains comme s’il s’agissait d’un lieu sacré, comme si vous le découvriez pour la première fois. Prenez le temps d’entrer en communication avec lui. Imaginez-vous appliquant votre crème préférée avec une attention spéciale : vous la passez sur chaque sillon, en la sentant pénétrer avec délice dans chaque ride, sur le front, le contour des yeux, les ailes du nez, la bouche, tout autour de la bouche…
Éprouvez le confort et le plaisir que ces gestes procurent. Vous sentez votre peau devenir plus douce, plus lisse… de l’intérieur. À présent, concentrez votre attention sur l’ensemble de votre visage, en lui adressant un sourire intérieur. Faites de même pour chacune de ses parties : le front, le contour des yeux, les yeux, les lèvres, les joues, les rides… Chaque fois, inspirez et expirez tout en leur adressant un sourire intérieur, lumineux, qui irradie votre visage dans sa globalité. Par la pensée, enveloppez-le ensuite d’un halo de lumière douce. Il s’éclaire, s’illumine. Vous conservez en vous et avec vous cette lumière, sachant qu’il vous suffira de vous remémorer cette expérience dès que vous vous regarderez dans le miroir.
Habiter son corps« Je n’aime pas mon corps, je ne le trouve pas beau et je m’y sens mal. Je devrais faire du sport, mais je n’y arrive pas »
Moins nous sommes en contact avec notre corps, plus le regard que nous posons sur lui est dur et « morcelant ». Il résulte de cette absence de ressenti une image faussée qui met notre corps physique et émotionnel entre parenthèses. L’objectif de cet exercice est, selon Michèle Freud, d’échanger « le corps que l’on a » contre « le corps que l’on est » : « Ce qui suppose d’abandonner notre regard scrutateur et malveillant – notre corps n’est pas une glaise à modeler au gré de nos envies ! – et d’être d’abord attentif à ce que nous ressentons. »
- La pleine conscience. « En rétablissant une forme d’intimité avec votre corps, en vous mettant à l’écoute de ses messages et en lui apportant tous les soins nécessaires, curieusement, votre perception se modifiera, et votre corps aussi », assure Michèle Freud. C’est l’exercice de la pleine conscience. Commencez par ressentir l’eau de la douche qui ruisselle sur vous, caressante et apaisante. Massez-vous avec une crème dont vous appréciez la texture et le parfum, surtout aux endroits que vous aimez le moins. Portez votre attention sur vos gestes, sensations et émotions.
- Le dialogue avec soi. Allongez-vous et détendez-vous. Adressez-vous ces mots : « Comment je me sens maintenant ? » À chaque inspiration et expiration, prenez conscience de ce corps qui vit et qui vibre… Et, à chaque nouvelle respiration, mesurez les effets positifs sur vous (détente, confort, apaisement…).
Neutraliser ses fixations« Je ne supporte pas mon grand nez… ma culotte de cheval… Je ne vois que mes cernes… Je déteste mes gros bras… »
Cette attention négative sur un défaut physique est, la plupart du temps, l’expression d’une souffrance ancienne liée à la défaillance de regards aimants et confiants portés sur nous par nos parents, explique Michèle Freud. Des exercices peuvent aider à nous réconcilier avec ces morceaux « détestés » de nous-même. Mais, parfois, le degré d’insatisfaction est tel qu’il gâche, imagine-t-on, nos chances d’être heureux. Dans ce cas, un dialogue avec un psychologue ou un thérapeute comportementaliste peut nous aider à y voir plus clair. « Grâce à un entretien minutieux, il pourra mesurer l’intensité de ce qui nous pré occupe, depuis combien de temps, jusqu’où le défaut est gênant socialement et psychologiquement », précise Jean Tignol. Ce qui permet d’agir ensuite « en conscience » sur lui. L’améliorer par des méthodes douces – crèmes, massages, soins en institut – ou par des méthodes plus lourdes : « Si l’on est bien conscient des vrais enjeux de la demande et qu’elle est réaliste », précise le psychiatre.
- Le regard bienveillant. La première étape de l’exercice consiste à retrouver une série de photos de vous que vous aimez. Puis, sur un papier, dressez deux listes : « Ce que j’aime chez moi » et « Ce que je n’aime pas ». En position assise, le dos droit, en position « digne », songez à votre défaut, par exemple vos cernes, puis associez-y simultanément ce que vous aimez chez vous, vos yeux.
Pensez à leur couleur, à leur forme, touchez-les (à travers les paupières), entendez les compliments faits à leur sujet, ajoutez-y de la lumière. Concentrez-vous un long moment en essayant de ressentir l’impact de ces « remarques » bienveillantes… Ancrez-le dans votre mémoire au travers d’un geste, par exemple en serrant l’extrémité du pouce et de l’index. Faites cet exercice quatre fois de suite. Repensez ensuite à votre défaut et, en serrant à nouveau l’extrémité du pouce et de l’index, retrouvez les images positives. Vous passez ainsi de l’un à l’autre… jusqu’à ce que vous restiez centré sur l’aspect positif. Cet exercice fait taire le cerveau rationnel et laisse la voie libre au cerveau émotionnel. Chaque fois que vous songerez à votre défaut, il vous suffira de serrer le pouce et l’index pour retrouver des images positives de vous.
Laurence GREZAUD