À coup de régimes drastiques et parfois même de vomissements contrôlés, elles essaient de retrouver la taille 36 de leur adolescence. Quant à leur garde-robe, pourvu qu’elles puissent acheter le dernier sac d’un styliste fashion ou la jupe « tendance » de la saison, elle est peu à peu devenue leur raison de vivre.
Elles, ce sont ces femmes botoxées qui atteignant le milieu de vie (35/50 ans) se retrouvent sous la contrainte d’un trouble comportemental aujourd’hui identifié sous le nom de « Desperate housewives syndrome » nous dit Michèle Freud. La série américaine a en effet été la première à mettre en scène ces quadras qui entrent en rivalité avec leurs filles adolescentes, veulent ressembler aux people des magazines qu’elles lisent, et se débattent avec une frénésie d’achat dans les boutiques de fringues. C’est une spécialiste des troubles alimentaires, le Dr Tamara Pryor du Eating Disorders Center de Denver, qui la première a identifié et nommé ce trouble, constatant que l’anorexie tardive était actuellement en recrudescence chez des patientes mâtures bien trop préoccupées, voire obsédées, par leur image.
En France, elles sont aussi fort nombreuses. Michèle Freud, psychothérapeute et auteur de «Mincir et se réconcilier avec soi» (éd. Albin Michel) les identifie dès leur première séance : « Elles sont minces et veulent encore perdre des kilos, elles se trouvent moches alors qu’elles sont jolies, elles décrivent une vie où elles se remplissent de vêtements ou de nourriture comme pour combler un vide ».
Bien sûr ces errances ont des causes sociétales. Dans l’enquête que la journaliste Mona Chollet a menée autour de cette « Beauté fatale » (ed. ZONES) les liens entre ces symptômes et les messages insistants adressés aux femmes par les industries des médias, de la mode et de la beauté sont évidents : « Les pressions sur leur physique, la surveillance dont celui-ci fait l’objet sont un moyen rêvé de les contenir, de les contrôler, estime la journaliste. Ces préoccupations (…) les maintiennent dans un état d’insécurité psychique et de subordination qui les empêche de donner la pleine mesure de leurs capacités et de profiter sans restriction d’une liberté chèrement acquise ».
Chez les plus fragiles d’entre elles, ce souci de ressembler aux gravures de mode devient une quête évidemment insatiable. De la légèreté, elles passent à la frustration, parfois même à la souffrance. C’est alors qu’une psychothérapie peut s’avérer nécessaire. Mais comment soigner une telle obsession de son image ? « En découvrant quel besoin profond insatisfait se cache derrière un tel syndrome, affirme Michèle Freud. Ces femmes sont comme étrangères à elles-mêmes. Elles ignorent si ce que réclame leur être profond est du repos, de la reconnaissance, de l’amour, de la sécurité… Le premier travail consiste donc à les sortir de cette confusion de leurs besoins ».
Même diagnostic pour Jean-Pierre Seznec, psychiatre et médecin du sport qui a publié « J’arrête de lutter avec mon corps » (éd.PUF) . Le psychiatre constate qu’il faut souvent apprendre à ces femmes à « purger » leurs émotions autrement qu’en les anesthésiant via des achats frénétiques ou des régimes affamants.
Le remède ? L’accès à de réelles satisfactions, plus profondes. Ainsi, les patientes de Michèle Freud sont invitées à tenir un carnet de bord dans lequel elles dressent chaque jour une liste d’activités qui leur sont réellement plaisantes. « Elles ont aussi besoin d’être renarcissisées à travers des sensations corporelles renouvelées : massage, relaxation…Des techniques de relâchement corporel comme la sophrologie les aident à ressentir son corps d'une autre manière, ajoute la psychothérapeute ». Autre exercice : « se regarder dans le miroir et parler d’une partie d’elles-mêmes qu’elles aiment bien, qu’il s’agisse de leurs mains, jambes ou poignets... Un protocole step by step en quelque sorte, qui peu à peu les amène à se libérer d’une image de soi tronquée ».
par Pascale Senk