Pour traverser l'épreuve d'une pathologie grave, il y a les protocoles médicamenteux, les opérations chirurgicales, les antalgiques. Il y a aussi le soutien psychologique. Celui-ci peut se trouver sur une chaise, au milieu d'un groupe de pairs, ou dans le cabinet feutré d'un professionnel de la psyché. Dans tous les cas, et quelle que soit la méthode psychothérapeutique choisie, les patients qui sautent le pas disent en retirer de grands bénéfices. Véronique a entamé une hypnothérapie quelques semaines après avoir subi deux mois de rayons pour un cancer du sein : «J'avais besoin d'être écoutée, de pouvoir exprimer mes moments de doute quant à l'issue de cette épreuve. Et j'ai choisi une technique d'exploration profonde, en état modifié de conscience, car je voulais atteindre des zones inconscientes de moi, celles où se niche mon désir de guérir.»
Pascale, elle, a trouvé de la force dans des groupes de patients atteints comme elle du VIH. «Mon sida s'est déclaré en 1987, la pire époque, celle où l'on en mourait quotidiennement. Je me suis retrouvée avec d'autres séropositifs auxquels je pouvais m'identifier. Cela m'encourageait. Nous partagions aussi beaucoup d'informations sur la recherche et les nouveaux traitements. C'est ainsi qu'en 1996 j'ai su très tôt que la trithérapie était au point. J'ai pu en bénéficier. Et c'est comme ça que j'ai sauvé ma peau !» Depuis ces années, les groupes de parole tant pour le sida que pour le cancer ne cessent de se multiplier, palliant peu à peu la carence des postes de psychologues.
«Allez-y toute de suite !»
Exploration de soi et de ses conflits inconscients, libération de ses émotions, information et entraide. Tels sont les apports les plus évidents de ces lieux d'écoute lorsqu'ils viennent compléter un traitement médical. Ils sont aussi, souvent, les réceptacles des résonances sociales d'une maladie mortelle et, à travers ce que les patients y expriment, on peut repérer les représentations collectives dominantes.
Le psychiatre Serge Hefez a créé à Paris fin 1992 une unité spécialisée dans l'accueil des personnes séropositives puis de celles porteuses de l'hépatite C. Serge Hefez a vu le sentiment d'exclusion des patients demeurer très fort depuis près de vingt ans alors même que la maladie s'est chronicisée. «Dans une même journée, je peux recevoir une Africaine maman de deux enfants en bas âge, une femme en tailleur Chanel et un étudiant à l'université. Tous frappés par le même mal, ils me confient la même souffrance : “Je me sens différent.” L'écoute psychologique consiste alors à les aider à traverser toutes les perturbations professionnelles, amoureuses et familiales qu'une maladie stigmatisée entraîne.»
Dans le cas du cancer, la culpabilité se niche dans le rapport à ce corps qui s'est soudain déréglé et provoque des relations ambivalentes d'amour-haine chez la plupart des personnes atteintes.
Michèle Freud, psychothérapeute et sophrologue, accompagne de nombreux malades dans une démarche de réconciliation profonde avec ce physique récalcitrant : «La maladie place le patient dans une situation de dépendance, de fragilité. La sophrologie contribue au processus de re-narcissisation de cette enveloppe souffrante, explique-t-elle. Elle apprend aussi à réévaluer ses priorités, à prendre le temps de se soigner avec bienveillance.»
Se poser, se refaire du bien en étant capable de parler du pire. Anne-Laurence, malade du cancer depuis sept ans, n'en demande pas plus aux séances de psychothérapie dans lesquelles elle s'est engagée dès l'annonce de sa maladie. «C'est le meilleur conseil qu'on m'ait donné, et que je ne cesse de répéter : “Allez-y tout de suite !” Car la tentation peut être forte de se lancer dans l'action, les traitements, les visites à l'hôpital sans prendre le temps d'évacuer le chaos émotionnel et le traumatisme… Et quand la course folle s'arrête, que vous êtes renvoyé chez vous en “rémission”, vous pouvez vous retrouver avec un effet boomerang dévastateur !» Depuis le début, la jeune femme a vu sa psychothérapeute à un rythme régulier hebdomadaire, puis de plus en plus «à la carte» : «Je me réfugie chez elle quand j'ai besoin de parler de ma peur, de me laisser aller à pleurer sur mon sort. Je ne peux pas toujours imposer cela à mon mari, ma fille, ma mère ! Mais le fait que quelqu'un valide ma fragilité et mon angoisse m'en libère un peu.»
Si, à ce jour, les études scientifiques confirmant l'influence de la prise en charge psychologique sur l'évolution des maladies graves sont encore controversées, nul doute que la qualité de vie des patients qui en bénéficient s'en trouve largement améliorée. Et c'est sans doute déjà l'essentiel.