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LA DEPRESSION, MAL DU SIECLE ?*
" La douleur de l'âme pèse plus que la souffrance du corps. "
Publilius
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Crise des valeurs, insécurité, précarité, transformation
de la famille et du couple, changements sociaux, esprit de compétition,
autant de facteurs qui influencent nos états d’âme. D’après
les statistiques, nous serions de plus en plus déprimés et les
consultations pour cause de dépression ne cessent d’augmenter.
La dépression serait-elle le nouveau mal du siècle ?
Déjà, au Ve siècle avant J.C., Hippocrate fut le premier
à avoir identifié cette forme de spleen qu’il a nommée
« mélancolie » du grec melas (noir) et chloé
(bile), en raison de la bile noire qui empoisonne le cerveau et l’âme
humaine. La notion de dépression s’est passablement étendue
et a fini par englober l’ensemble des difficultés psychologiques
que chacun est susceptible de rencontrer à un moment donné. Même
si certaines dépressions, rares au demeurant, sont d’ordre biologique
et peuvent surgir de nulle part, la majorité naissent en réaction
à des changements et des pertes survenus au cours de l’existence.
Divorce, séparation, rupture, deuil, la perte affective est sans doute
l’une des premières causes de dépression.
Touchant une personne sur cinq, la dépression provoque une grande détresse
émotionnelle qui interfère sur le cours de la vie. Elle s’accompagne
d’une inhibition psychomotrice et d’une anxiété majeure
; des troubles somatiques et des troubles du caractère sont susceptibles
de s’ajouter, les symptômes variant d’une personne à
une autre.
Agnès, 40 ans, célibataire s’est investie corps et âme
depuis une quinzaine d’années dans la société qui
l’emploie. Sa supérieure hiérarchique venant de prendre
sa retraite, elle attendait une promotion imminente qui lui avait été
promise. Or, contre toute attente, le poste à pourvoir a été
confié à une nouvelle recrue. Sa réaction première
a été la colère, puis, au fil des jours, la tristesse est
devenue son nouveau mode d’expression. « Je n’ai plus
ni appétit, ni de désir, qu’une seule envie : fuir le monde
et me coucher. C’est la déprime ! » Confie t-elle.
L’entreprise dans laquelle Pierre a oeuvré depuis plus de trente
ans a été vendue. Il vient d’être licencié
et vit cette expérience comme un échec personnel avec une perte
d’estime de soi. Il se sent anéanti et ne dort plus.
La personnalité du déprimé
Le déprimé décrit un quotidien vide de toute sources de
joie ou de plaisir. Il ressent une sorte d’apathie qui se traduit par
une absence de motivation, un repli sur soi. Chacune de ses activités
habituelles exige un effort considérable et devient de plus en plus pénible
à exécuter. Sa vie est vécue sur le mode de l’échec
et du désintérêt. Ses journées sont ternes, les relations
avec son entourage difficiles car il est souvent d’humeur changeante.
Mal à l’aise en public, sa sensibilité est exacerbée
face à tout évènement du quotidien, il passe quelquefois
de la dépression à l’euphorie. C’est notamment le
cas pour un certain type de dépression plus grave que l’on nomme
maladie bi-polaire ou psychose maniaco-dépressive. Des pensées
négatives sont présentes et constituent un facteur d’aggravation
et de prolongation du phénomène de la dépression.
«
Je n’y arriverai pas, je suis bon à rien, je ne fais jamais rien
de bien » sont des croyances communes aux dépressifs. L'idée
de suicide est parfois présente et doit être prise au sérieux
par l'entourage. Les formes diverses de la maladie ont toutes en commun la persistance
d’un état mélancolique. Le regard est perdu dans le vide,
on n’a plus aucun désir, l’humeur empire de jour en jour,
on se sent inadapté, même dans les situations les plus courantes.
De la tension à la dépression
La dépression peut toucher toutes les tranches d’âge.
Chez les enfants et les adolescents, les symptômes les plus courants sont
l’irritabilité, l’instabilité, les maux d’estomac,
la tristesse, les pleurs sans raison, la tendance à s’isoler, l’abandon
des jeux et le désintérêt pour toutes les activités.
Chez les personnes âgées, on constate des troubles de la mémoire
souvent associés à la confusion et à la désorientation
ainsi que des crises d’angoisse, une agitation importante et une préoccupation
excessive pour leur santé.
Chez la femme, les périodes les plus sensibles sont liés au cycle
menstruel, au
« post partum » (l’après accouchement)
et à la ménopause. Elles constituent des pics de vulnérabilité
intense pendant lesquelles les variations hormonales génèrent une
tension physique et psychologique importantes. Il s’agit souvent de formes
de dépression quasi physiologiques qui, le plus souvent, disparaissent
spontanément.
Certaines personnes connaissent des épisodes uniques de dépression
et en guérissent, mais dans la plupart des cas, les rechutes sont fréquentes.
Les expériences traumatiques de la petite enfance créent un terrain
favorable mais la dépression peut surgir sans de telles prédispositions,
car personne n’est véritablement à l’abri.
La maladie physique peut également créer un état dépressif
inhérent à une souffrance chronique. Nous sommes tous à
un moment ou à un autre confrontés à une douleur, qu’elle
soit physique ou émotionnelle. Face à ces événements,
nous pouvons réagir de différentes manières.
Valérie, danseuse classique, souffre de rhumatismes aigus depuis des années
et doit se reconvertir.
« Je ne conçois pas la vie sans la danse,
je n’ai plus goût rien, je suis fichue ! » gémit-elle.
Souvent, des personnes souffrant de dépression restent sans traitement,
pensant que cela passera tout seul, d’autres refusent de consulter, persuadées
qu’elles ne s’en sortiront jamais et que rien ne pourra les aider.
« Durant ma dépression, j’étais convaincue qu’il
n’y avait rien à faire, simplement à attendre que cela passe
» dit Jacqueline.
Si nous sommes tous plus ou moins sujets à des états de tristesse
passagers, il importe de s’alarmer lorsque des périodes dépressives
deviennent de plus en plus fréquentes ou se prolongent, sans aucun soulagement
avec des conséquences non négligeables sur le cours de l’existence.
Les dépressions légères peuvent être guéries
en quelques semaines. En ce qui concerne les plus sévères, elles
nécessaires des traitements spécialisés.
Diverses thérapies et traitements spécialisés existent
en effet pour la dépression et il serait dommage de ne pas y avoir recours.
Du traitement spécialisé aux différentes méthodes
de psychothérapie ou de relaxation, il importe de trouver la thérapeutique
la plus adaptée.
Les techniques de détente dans le traitement de la dépression
Sans bien entendu constituer tout le traitement, la sophrologie et les techniques
de relaxation sont susceptibles de participer au mieux-être.
En effet, la dépression psychique s’accompagne d’une dépression
physique analogue à laquelle s’ajoute une dépression métabolique
se traduisant par une altération considérable du système
respiratoire. L’inhibition motrice se manifeste par de la fatigue, les
troubles somatiques par une insomnie, notamment celle de la deuxième
partie de la nuit avec réveil matinal précoce. Elle peut aussi
s’exprimer par des réveils multiples ou des difficultés
d’endormissement. D’autres troubles sont susceptibles d’apparaître
tels que des problèmes digestifs, des douleurs musculaires, des spasmes
etc.… L’anxiété souvent associée à la
dépression se traduit par une respiration difficile, des palpitations
cardiaques et un corps noué. La souffrance peut inciter à contracter
voire bloquer une certaine partie du corps, de façon à dissimuler
une émotion désagréable. Les techniques de sophrologie
et de relaxation seront efficaces pour installer le calme et la détente
musculaire. Les techniques respiratoires se révèlent très
utiles et stimulent l’organisme. La détente globale du corps permet
de dénouer toutes les tensions corporelles.
Théodore -Yves Nassé* Directeur du laboratoire de psychopathologie
du stress de la fatigue et de la dépression (Service d’Endocrinologie
de l’hôpital Bichat Pr.Jean-Paul Raymond) a mis au point une méthode
sophronique anti-fatigue pour stimuler ou ralentir certaines hormones.
Le cerveau limbique, responsable de la tonalité affective, semble très
riche en récepteurs. Il est clair qu’une poussée d’endorphines
agira sur notre cerveau et nos organes, ainsi que sur notre état mental,
comme le confirme l’étude américaine des professeurs Kosterlitz
et Simon.
Théodore-Yves Nassé a montré aussi que la production d’endorphines
était liée aussi à celle de l’adrénocorticotrophine,
une hormone immunitaire, d’où l’idée de faire fabriquer
par les patients cette endorphine pour vaincre fatigue et humeur dépressive.
Il s’agit de stimuler l’activité cardio-vasculaire à
travers un exercice sur les cinq sens. Dans l’imaginaire, cet exercice
agit sur les stimulations sensorielles et la production d’endorphines
et génère un état de bien-être, en apaisant les tensions.
La visualisation et la suggestion de différents parfums stimule la fonction
de l’oralité, le contact imaginaire du toucher de l’eau et
du sable par la voûte plantaire permet de ré-harmoniser le schéma
corporel ; l’ouie, par l’évocation du mouvement des vagues
renvoie à la vie. L’activité musculaire et tendineuse ressentie
tout au long du travail d’entraînement engendre une forte oxygénation
ce qui provoque, comme chez les coureurs de fond, la fabrication immédiate
d’endorphines. Cette action indirecte va permettre d’agir sur la
dépression.
Chaleur, lumière et visualisation favorisent la production d’endorphines,
ces fameuses hormones du bien être. La chaleur libère le plexus
solaire et permet une détente profonde ; la stimulation de l’imaginaire
permet d’éliminer les tensions mentales internes, elle agira même
sur certains organes, en particulier sur le ventre, siège de nombreuses
tensions.
Il existe aujourd’hui de multiples façons de faire face à
la douleur émotionnelle, de vaincre la dépression et de guérir
pour se sentir à nouveau en vie.
« Si on déprime avait coutume de dire Winnicot , c’est
qu’on se rebelle, qu’on n’est pas en accord avec soi, qu’on
n’a pas tout à fait étouffé l’enfant en soi,
c’est donc que le désir est encore là, prêt à
prendre le pouvoir, comme une revendication intime au plaisir. Il nous faut donc
nous accorder la force d’encourager la libre circulation du désir
et du plaisir et accepter de se faire aider. »
Quelle que soit la démarche, optez pour l’action, c’est l’anti-dote
contre le sentiment dépressif ! La pulsion de vie est capable de renaître,
l’essentiel est de pouvoir à nouveau se fier à sa boussole
pour repartir sur le chemin du plaisir et accéder aux mille sollicitations
du dehors.
*Par Michèle Freud, psychothérapeute, sophrologue, directrice de l'Ecole de sophrologie
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