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LA BOULIMIE*


La boulimie, un symptôme

Véritable symptôme, l’accès boulimique se caractérise par une prise d’aliments le plus souvent caloriques, consommés à l’abri des regards. C’est une envie brutale et irrésistible avec perte de contrôle de soi. Parfois précédée d’une période de fébrilité, la crise apparaît souvent en fin de journée, et se termine toujours par une sensation de dévalorisation de soi, de dégoût et de culpabilité. La personne boulimique conserve la plupart du temps son poids normal en se faisant vomir afin d’en assurer un contrôle strict, ou en usant d’autres subterfuges (prise de laxatifs, de diurétiques…), ou encore, en s’adonnant à des exercices physiques à outrance pour « expier » ce qu’elle a mangé. La conséquence la plus invalidante est l’isolement social dans lequel elle se plonge.

« Obsédé toute la journée par la bouffe, j’arrivais chez moi pour engloutir deux pizzas sans même les réchauffer, je les avalais avec une frénésie irrépressible, tel était mon enfer quotidien. Manger éloignait mon stress du moment, du moins c’est ce que je pensais », avoue Lucile qui systématiquement se faisait vomir.


Quelle est l’origine de la boulimie ?

Comme le fait remarquer Hilde Bruch[1], il est important de tenir compte des erreurs précoces de certaines mères qui, dans la crainte de ne pouvoir supporter les pleurs de l’enfant, le nourrissent trop et surtout trop souvent, si bien que le nourrisson n’apprend pas à reconnaître la sensation de faim. Plus tard, en grandissant, il aura tendance à confondre angoisse, faim et tension et sera donc tenté de manger pour supprimer toute anxiété. Les parents des boulimiques sont la plupart du temps hyper-protecteurs, rigides, intrusifs même, avec un désir inconscient de garder leur enfant près d’eux, contrôlant leurs relations, émettant un avis sur tout. Eux-mêmes souffrent parfois d’addiction : travail, alcool, dépendance affective. 

La plupart des troubles du comportement alimentaire débutent lors de la puberté ou de l’adolescence, parfois plus tardivement, au moment du départ du foyer parental ou du mariage. Une augmentation des troubles est en partie liée à l’image de la femme idéale propagée par notre culture. D’autres facteurs ont été isolés, comme par exemple un fond anxieux ou le manque du père, ainsi que le constate Margo Maine[2] dans son ouvrage Anorexie, boulimie, pourquoi? Les théoriciens privilégiant une approche psychologique émettent l’hypothèse que les personnes susceptibles de développer un rapport perturbé avec la nourriture sont celles ayant vécu une profonde déception dans les relations avec leurs proches. Elles essaieraient de combler leurs besoins en se tournant vers des substituts.

 

Le rôle du père

On insiste aujourd’hui de plus en plus sur l’importance du rôle du père dans le développement émotionnel des filles. Notre culture a véhiculé de génération en génération une image de l’homme stéréotypée : un petit garçon doit apprendre à réprimer ses émotions, à ne pas dire, à s’isoler s’il est triste. Ces injonctions ont amené les pères à se détacher aussi bien physiquement qu’émotionnellement de la famille, la mère étant chargée d’assumer les soins courants. Le rôle du père nécessite plus d’intimité qu’il ne peut en donner et cela crée des troubles, notamment dans le développement de l’identité des adolescentes dont le regard valorisant du père est indispensable à la construction de l’image de soi. Nous perpétuons des mythes qui donnent au père un rôle secondaire, notamment dans l’éducation des filles. La « faim du père » est le désir d’un lien émotionnel avec le père que connaissent tous les enfants. Quand ce lien est établi, le besoin est comblé, et cela confère une dose de confiance suffisante pour grandir avec la conscience d’être en sécurité. Cette « faim du père » peut se traduire notamment par un trouble du comportement alimentaire.

« Mon père, dit Pascale, ne m’a jamais vraiment prêté attention, son esprit semblait toujours ailleurs. Quand je lui parlais, je sentais qu’il n’écoutait pas. Je me suis mise à grossir pour qu’il me remarque. J’avais pris 8 kilos, il ne s’en est même pas rendu compte. Je n’ai pas le souvenir d’avoir noué une vraie relation avec lui, ni d’avoir reçu de signes de reconnaissance ou d’affection. »

« Il n’existe pas de substitut à l’amour du père et il n’y a rien de pire que d’en être privé ou de douter », commente encore Margot Maine[3].

 

La symbolique alimentaire

La symbolique alimentaire joue souvent un rôle de déplacement des conflits. C’est parce que la bouche ne peut articuler certaines choses qu’on la remplit de nourriture. La boulimie est souvent une compensation aux traumatismes et aux frustrations passés et présentes. Les boulimiques, en tentant de combler leur vide affectif par des pratiques destructrices, extériorisent leur grand besoin d’amour.

« La nourriture était pour moi une réponse à toutes mes angoisses. Elle court-circuitait l’ensemble de mes désirs et de mes émotions », explique Marie. La boulimie semble en effet constituer un baromètre assez fiable du taux d’anxiété. Elle sert à conjurer l’angoisse.

Elle est le symptôme d’une personne souffrant du refoulement d’une partie d’elle-même, son discours est toujours le même : elle se trouve nulle, inintéressante, monstrueuse même. La nourriture serait un substitut aux paroles et aux gestes affectueux qui lui ont manqué, remplacés dans l’enfance par des « Mange et tais-toi ».

 

Manger ses émotions

La boulimique nie ses émotions, ses blessures, sa souffrance. Elle est trop polie, trop gentille, évite à tout prix les conflits. Incapable de connaître ses besoins, elle mange pour oublier, pour se faire plaisir. Elle aurait une incapacité à éprouver, d’où la surconsommation d’aliments onctueux susceptibles de produire des sensations.

Sa principale émotion est la peur : peur de manquer, peur de dire non, peur de l’intimité, peur des autres, peur de la solitude, peur de l’engagement, peur de manger, peur d’avoir peur. Tous ces affects nourrissent son anxiété et sa plus grande peur est celle de vivre.

 

Confidences de boulimiques

Françoise, ex boulimique raconte : « Pendant des années, mon besoin d’amour était tel que je m’évertuais à faire plaisir à tout le monde. M’excusant sans arrêt, souriant à tous, j’étais complètement tributaire du regard des autres. Je n’osais pas me laisser vivre et je compensais avec la nourriture. Le plus difficile pour moi a été d’oser demander de l’aide. Longtemps, j’ai refusé une thérapie. Grâce à ma thérapie, j’ai découvert combien il y avait de souffrance en moi. J’ai pu la liquider. J’ai appris à satisfaire mes besoins non comblés de la petite enfance autrement que par du sucre. »

Sylvie, elle aussi, a pu s’en sortir, et raconte son enfer : « Jamais satisfaite, j’étais esclave de cette boulimie. Je n’avais pas réalisé l’immense vide affectif qui me faisait dévorer trois paquets de gâteaux en un temps record. La nourriture est venue faire écran à toutes mes émotions : un coup de téléphone à donner, je mangeais un gâteau pour me rassurer ; en colère, je me vengeais sur le paquet entier. Un jour, j’ai eu envie d’aller voir ce qu’il y avait derrière tout cela. J’ai commencé à me libérer lorsque j’ai osé affronter les autres et moi-même. C’est en arrêtant de me voiler la face que j’ai réussi à guérir. Écrire mon journal intime m’a permis de tenir. S’interposant entre la bouffe et moi, il m’a servi d’exutoire. Il n’y avait pas de regard, pas de jugement. »

La boulimie, c’est la maladie du manque, mais aussi du trop : trop manger, trop penser, trop travailler, trop aimer, mais ce « trop » laisse encore sur sa faim et, très vite, il y a la confrontation avec le manque.

 

En thérapie

Il est nécessaire de confronter la personne boulimique à ses émotions, et c’est là son principal problème, car elle s’en détourne. Il s’agira de pointer ce qu’elle a émotionnellement réprimé, réfréné, et de lui apprendre à exprimer ce trop-plein émotionnel.

L’identité de la personne boulimique est chancelante, il importe de lui apprendre à la reconstruire, car aucune relation authentique n’est possible tant que les contours de ce Moi restent mal définis. A travers différentes tâches thérapeutiques, elle apprend à s’affirmer, prendre la parole pour exprimer ses propres opinions sans crainte du rejet, oser dire non, traduire son ressenti. Comprendre ce que la personne demande à la nourriture, c’est lui faciliter la découverte et la mise en œuvre d’autres modes de satisfaction, afin qu’elle puisse s’ouvrir au monde et redécouvrir de nouveaux plaisirs.

En thérapie individuelle, j’associe les techniques de sophrologie, offrant un intérêt particulier pour restaurer l’image de soi, mieux appréhender le stress et réhabiliter la notion de plaisir, mais aussi des techniques issues de la programmation neuro-linguistique (P.N.L.) de l’hypnose, permettant d’axer le travail autour de l’installation de ressources, de la confiance en soi et du renforcement du moi. L'EMDR[4] mise au point à la fin des années1980, agit, elle, au niveau du retraitement d’événements traumatiques du passé.

Toutes ces méthodes on pour objectif de permettre à la personne boulimique d’acquérir de nouvelles compétences et ressources pour se sentir mieux dans sa peau, mieux dans sa vie.

*Par Michèle Freud, psychothérapeute, directrice de Michèle Freud Formations
Voir ses ouvrages


[1]. Hilde Bruch, LesYeux et le Ventre. L’obèse, l’anorexique, Payot, 1994.
[2]. Margo Maine, Anorexie, boulimie, pourquoi?, Souffle d’Or, 1995.
[3]. Op.cit.
[4] Méthode mise au point par Francine Shapiro, (Eye Mouvement Desensitization and Reprocessing)
A lire : lEMDR, Jacques Roques, Interéditions

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