Cabinet de
Michèle FREUD

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Addictés au sucre*


 

« Manger, bouffer, me goinfrer jusqu’à m’écoeurer, tel était mon quotidien. Cette fringale de sucre était nécessaire à ma survie. Pour l’oublier, il me fallait impérativement me shooter aux sucreries ! »confie Laurie qui n’arrive pas à panser la blessure de sa rupture.

« C’est une occupation à plein temps dit Marine, souffrant de solitude. J’y songe constamment et tout converge vers cet unique intérêt pour le sucre. »

« J’étais dans une quête insatiable de remplissage et mon désir était impossible à assouvir »,rapporte Constance.

« Je m’étais construit une sorte de super moi, je me montrais dure. Alors pour cacher ma fragilité, il me fallait un peu de douceur, c’est ainsi qu’en cachette, je me goinfrais de bonbons » dit Lydie.

Révélateur de l’intime, de nos manques, de nos frustrations et de nos peurs, mais aussi de notre goût de vivre, l’addiction au sucre risque, à long terme, de devenir une redoutable drogue.
Manger sucré peut être est un moyen de s’octroyer la douceur manquant au quotidien, de lutter contre l’angoisse, la peur, l’insécurité ou la pression du monde extérieur.

Il est, pour certains, un procédé pour se remplir de tout : de ce que l’on n’a pas eu, de ce que l’on brigue et que l’on ne peut pas avoir, une façon aussi de dévorer la vie, de se remplir encore et encore.

Qu’est ce qu’une fringale de sucre ?

C’est une envie impérieuse d’un aliment sucré que l’on consomme en dehors des repas de façon répétitive. Cet engrenage est susceptible de générer à la longue une prise de poids importante. Certaines personnes, que l’on appelle les carbohydrate cravers, y puisent une source de réconfort indéniable.
Les fringales sont souvent irrésistibles, avec une prédilection pour le chocolat, les confiseries, les gâteaux qui calment selon les modifications de l’humeur de la journée.
Elles sont aussi évoquées à propos de la dépression saisonnière qui consiste en un état dépressif débutant régulièrement en automne et disparaissant au printemps. Cet état se traduit par un ralentissement psychique, avec une grande fatigue, une augmentation du temps de sommeil, des envies de sucre et une prise de poids.

Et la pseudo-boulimie ?

Aussi appelée « compulsion alimentaire », la pseudo-boulimie est ressentie comme un besoin impérieux de manger en dehors des repas. À la différence de la boulimique qui cherche à se remplir à tout prix sans se soucier des aliments qu’elle avale, la personne compulsive est sélective : elle ingèrera exclusivement une seule famille d’aliments. Ceux-ci seront la plupart du temps sucrés et décrits comme apaisants, dopants ou revitalisants, comme par exemple le chocolat. Les quantités consommées sont nettement plus modérées que lors d’épisodes boulimiques.

Ces pseudo-boulimies ne sont pas toutes révélatrices d’un conflit psychique intense. Elles peuvent simplement exprimer un moment de vague à l’âme, de mal-être passager. Si ces habitudes persistent et se répètent de façon régulière, elles sont le reflet d’une problématique qu’il y a lieu d’examiner avec attention.

D’où nous vient ce comportement ambivalent avec la nourriture ?

Manger est un acte complexe et le choix de notre alimentation n’est jamais neutre. Il dépend autant de facteurs génétiques, biologiques et physiologiques que de fondements psychologiques, culturels et sociaux.
On s’autorise avec la nourriture toutes sortes de comportements que l’on ne s’autorise pas dans la vie : enfin se lâcher !
Que ce soit en actes agressifs ou auto-agressifs, la nourriture joue le rôle d’« acte-symptôme » a  yant valeur de décharge émotionnelle.
Mais il s’agit aussi d’une régression dans le passé, pour se remémorer des souvenirs de plénitude liés aux premiers plaisirs de l’oralité. C’est une faim de paroles, de relations manquantes.

Nos tendres années sont marquées par ce que S. Freud nomme le principe de plaisir  axé sur l’apaisement de nos besoins essentiels. Notre première rencontre avec la nourriture est liée à la satisfaction de téter, sucer, manger, avaler incorporer. Ce contact originel avec l’aliment est censé être rassurant, enveloppant puisqu’il est étroitement associé à la mère.

Si l’enfant est accompagné, dans sa phase de sécurisation mais aussi d’autonomie où il est confronté à la phase de séparation, il pourra réguler ses pulsions et notamment, cette phase d’insatisfaction nommée "principe de réalit"é.
Dans la négative, à défaut de modèles suffisamment structurants, il restera dans l’attente, incapable de faire face à la frustration et surtout à la séparation, manifestant son besoin par des comportements de succion, une avidité orale pour palier le sentiment d’abandon. Mais cet acte illusoire d’incorporation vient, davantage encore, creuser la béance de l’absence.

Notre relation à la nourriture et au plaisir dépend donc en grande partie de la qualité de ce premier lien tissé. On comprend donc l’importance de cette phase de satisfaction orale et de son sevrage dans le comportement de l’enfant qui va se construire en tant qu’adulte.
Toute faille précoce est de nature à générer une certaine fragilité narcissique.

Se libère-t-on facilement de ses obsessions alimentaires ?

Ces troubles du comportement sont susceptibles de disparaître lorsque le sujet est censé avoir acquis une maturité suffisante. Ainsi, mariage, déménagement, séparation du milieu familial, entrée dans la vie active, peuvent être propices à l’installation de nouvelles ressources telles que la confiance et l’estime de soi et favoriser autonomie et stabilité.

En thérapie

Il importe donc de se pencher sur le vécu de la personne atteinte de ces addictions, de trouver avec elle la meilleure piste thérapeutique afin de l’aider à s’en sortir.
Les méthodes sont variées : il s’agit de thérapies mettant l’accent sur l’expression par le sujet de ses propres sentiments, où l’extériorisation des émotions est encouragée : groupes de paroles, thérapies humanistes, mais aussi approche cognotivio-comportementale, psychothérapie, méthodes corporelles relaxation, sophrologie, hypnose, etc.

La personnalité dépendante éprouve des difficultés à se prodiguer des soins de base comme se nourrir sainement, se faire plaisir ou se reposer lorsque le besoin s’en fait sentir. Elle étouffe toute vie intérieure, niant ses besoins, perdant ainsi tout contact avec ses désirs.
Nous la centrons sur la recherche de solutions personnelles et de ressources internes et externes, afin qu’elle apprenne à se faire davantage confiance, à prendre sa place dans la relation, à se fier à ses propres sensations, s’ouvrir aux autres, s’estimer et se faire respecter.

Les thérapies de relaxation sont préconisées pour, d’une part, gérer les tensions et le stress et d’autre part, apprendre à se ménager des moments d’intimité et de solitude, la personnalité dépendante refusant cette intimité avec soi.
Elle peut ainsi, dans cet état de détente, percevoir des sensations corporelles tout à fait agréables, positives, et nouvelles pour elle.

Tenir par exemple un journal, y épancher ses états d’âme génère un apaisement psychologique et des émotions agréables à l’origine d’une amélioration.
Méditer, se relaxer, tisser des liens avec soi, mais aussi avec l’extérieur, rechercher un soutien, dresser une liste d’actions susceptibles d’être réalisées en lieu et place de l'addiction, autant de stratégies pour faire face à la vulnérabilité et éviter de se ruer systématiquement sur le sucre à la moindre difficulté.

Il importe aussi de la confronter à son vrai besoin. Selon Abraham Maslow, il existerait une hiérarchie dans nos besoins de base qu’il classe en 5 catégories :Nourriture, sécurité, repos, loisirs, affection, reconnaissance.
La plupart du temps, nous occultons et confondons nos besoins. Il n’est pas toujours aisé de les identifier. Quelquefois, nous nous trouvons dans une impasse, incapables d’évaluer ce que nous ressentons vraiment.

Les personnalités dépendantes sont dans une éternelle attente et pratiquent l’adaptation aux demandes d’autrui, plutôt que l’affirmation et le respect de soi.
Il s’agira donc d’apprendre à se donner soi-même des signes de reconnaissance, ceux précisément qu’ils n’ont peut-être pas eus dans l’enfance, de les centrer sur des actes concrets, comme manger dans la pleine conscience, oser exprimer son ressenti, se centrer sur un réel plaisir, apprendre à se soucier de soi.
La guérison implique que l’on cesse de se consoler avec les aliments pour trouver une autre manière de nourrir son existence. Il s’agit là, en quelque sorte, d’une invitation à grandir et à devenir son propre parent nourricier.

 Par Michèle Freud, psychothérapeute, auteure, directrice de Michèle Freud Formations
Voir ses ouvrages.

 



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